par Hervé Dewintre
Les marques qui prennent de la pub n’ont pas toujours raison. Comme ce serait triste qu’on se rappelle des années 2010 comme étant celles des années Dior, Chanel, Saint Laurent. Il ne s’agit pas dénigrer ces maisons : elles sont la gloire de Paris et leurs légendes ont déjà puissamment couronné plusieurs décennies de style grâce à la vigueur de leurs inventions et de leurs points de vues. Mais, aujourd’hui, j’aimerai que mes tripes s’envolent vers d’autres légendes. Souterraines et vindicatives de préférence.
Ce que j’aime chez Naco, c’est son panache. Il sait que le système est verrouillé mais il fait comme si il pouvait le braver. Ce soir, il présentait sa collection dans un club, avenue de l’Opéra. J’ai vraiment eu l’impression qu’il prenait un plaisir immense à broyer tous les codes de l’industrie : très peu d’invitations envoyées (il a souhaité que ce soit les curieux véritables qui le sollicitent), pas de musique pendant la performance, lui seul sur le dance floor habillant une à une ses mannequins et une divine surprise : une foule compacte et enthousiaste qui s’était déplacée (malgré les nombreux appels à faire la fête ailleurs) et qui lui a administrée la chaleureuse ovation qu’il n’a pas volée.
« Yellow is the new black
Blue is the new base
Ironic is the new pessimism
Futurist is the new passeist
Backstage is the new stage. »
J’ai dû voir une centaine de collections aujourd’hui ; dans les salons, sur les podiums, en showrooms : Paris regorge de propositions et il faut dire que les collections, cette saison, sont vraiment jolies, de bon gout, il n’y a pas vraiment de fausses notes nulle part. Pourquoi, alors, ai-je cette pénible impression que la plupart d’entre elles n’ont pas de revendications, qu’elles n’incubent pas ce feu sacrée qui parle à la fois à la tête, au cœur et à l’estomac. Je n’ai pas de réponse et cela mériterait une réflexion sincère. Toujours est-il que ce soir, avec ses messages qui sont des manifestes, et ses fanfaronnades bravaches qui sont en fait de pudiques appels à l’intégrité, Naco m’a réveillé. Non, il m’a éveillé.