Impressions Dior – Dior et les Impressionnistes : Une impression vague.
La villa « les Rhumbs » à Granville (Normandie) est la maison d’enfance de Christian Dior. Entourée d’un superbe jardin qui surplombe la mer du haut d’une falaise, c’est aujourd’hui un musée consacré au grand créateur de mode. Il abrite depuis le 4 mai et jusqu’au 22 septembre l’exposition « Impressions Dior – Dior et l’impressionnisme ». Au programme : des créations de Christian Dior et de ses successeurs au sein de la Maison Dior en lien avec les fleurs et la nature, thème chéri des peintres impressionnistes de la fin du XIXème siècle.
Contrairement à ce que l’on aurait pu attendre de Florence Müller, historienne de la mode et commissaire de l’exposition, cette dernière ne retrace pas un lien historique entre la création vestimentaire et la peinture, comme l’avait exploité l’exposition « L’impressionnisme et la mode » qui s’est tenu au musée d’Orsay entre le 25 septembre 2012 et le 20 janvier dernier. Nulle trace d’un possible lien intime, invisible et poétique entre Christian Dior et les Maîtres impressionnistes, même si ce dernier aurait pu nous guider dans les secrets de fabrication de ces robes qui ont marqué le XXème siècle. Plutôt s’agit-il d’une jolie collection qui, par le voisinage de reproductions de peintures et de photographies anciennes, nous révèle les inspirations que le couturier prenait dans la beauté fragile et fugace des fleurs.
Tout au long des trois étages de la villa, on retrouve ainsi des tenues historiques, comme la robe tulipe « marquée par l’épanouissement du buste et l’effacement des hanches », à l’origine du mouvement new look et inspirée par les roses mousseuses de Renoir. Les tissus imprimés, évoquant la palette du peintre, les paysages de Giverny ou encore Les Nymphéas de Monet. Un peu plus haut, John Galliano et des femmes qui prennent vie sous les coups de ciseaux du génie comme si elles étaient tout droit sorties de toiles imaginaires. La discrétion sans panache d’un Raf Simon aussi, qui revenant aux lignes classiques du maître, révèle les volutes féminines sous des corolles élémentaires.
L’exposition montre la création Dior sous un aspect qui, s’il n’étonnera personne, n’en reste pas moins intéressant afin d’en saisir l’incroyable cohérence et l’extraordinaire fluidité. Pourtant, on en ressort avec l’impression vaporeuse de n’avoir rien vu. Ni tableaux, ni émotion partagée entre robes et peintures, ni parallèles sérieux. Tout au plus des analogies premières et didactiques qui ne témoignent que de l’évidence d’un voisinage vague. Il manque une ligne directrice qui aurait fait converser les deux univers : le monde sublimé par les Impressionnistes et le monde de la mode façonné par Christian Dior.
Cette ligne directrice se trouve enfouie dans le jardin qui entoure la maison. On y découvre, au milieu des roses, des plans de chèvrefeuille et de pivoine, de petits panneaux sur lesquels sont reproduits des tableaux impressionnistes représentant ces mêmes fleurs. On soulève un petit clapet et on approche son visage : nous sentons la fleur, piégée dans une fragrance Dior. Là se trouve enfin le véritable lien, malin, entre la création Dior et les impressionnistes. On ressent, grâce à cette synesthésie délicate, la relation qui relie ces deux mondes pourtant a priori éloignés. La passion des courbes et des couleurs, une féminité réinventée, des paysages voluptueux et un art de vivre élégant et tranquille.
De révéler les liens, bien réels, qui existent entre la mode et les autres pans de la création contemporaine est un exercice difficile. Pour ce faire, il faudrait entreprendre un réel travail de recherche et réinventer les modes d’expositions et de scénographie afin de créer de vrais parallèles entre ces mondes différents et pourtant voisins, à la manière de ces fleurs que nous regardons, sentons et imaginons dans le jardins des Rhumbs.
Quentin Guisgand